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Actualités en matière de surveillance prudentielle et de résolution bancaire

Créé le

02.04.2024

L’ABE et la BCE sont intervenues en matière de surveillance prudentielle, respectivement (1) pour lancer des consultations publiques de projets de textes mettant en œuvre du Paquet bancaire « CRD VI et CRR III » (2) pour prévenir de l’émergence de nouveaux risques. En matière de résolution bancaire, le CRU et l’ACPR, en tant qu’autorités de résolution, ont accéléré leurs travaux au titre du fonctionnement de la résolution des crises bancaires au sein du Mécanisme de résolution unique (MRU) mis en place en 2014 dans l’Union bancaire. Alors que le FRU, détenu par le CRU, est définitivement constitué et ne percevra pas de nouvelle contribution ex ante pour 2024 (3), le CRU a présenté sa nouvelle vision stratégique du Mécanisme de résolution unique jusqu’en 2028 qui sera axée sur l’opérationnalisation de la résolution (4) et fait preuve de plus de transparence à l’égard de l’industrie bancaire en publiant la liste des consultations à venir pour 2024 (5). L’ACPR, en tant qu’autorité de résolution nationale française, est également passée dans une phase opérationnelle en publiant une notice sur la mise en œuvre
du renflouement interne (6).

1. Feuille de route de l’ABE sur la mise en œuvre du Paquet bancaire. Le 14 décembre 2023, l’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié sa feuille de route sur le « Paquet bancaire »1 transposant, dans l’Union européenne, les réformes prudentielles issues des normes internationales de Bâle III finalisé, tout en tenant compte des spécificités du secteur bancaire européen. Le « Paquet bancaire » comprend les propositions législatives publiées par la Commission européenne le 27 octobre 2021 et modifiant (i) le règlement sur les exigences de fonds propres dite « CRR III »2 et (ii) la directive sur les exigences de fonds propres dite « CRD VI »3 qui ont fait l’objet d’un accord politique, publié le 8 décembre 2023, par le Conseil et le Parlement et qui seront adoptés formellement par le Parlement européen en avril 2024, puis par le Conseil de l’UE, avant publication au JOUE. Les textes de CRR III et de CRD VI, renvoyant à 140 mandats de l’ABE pour préciser la mise en œuvre de certaines dispositions, l’ABE a, en conséquence publié, avant la date d’application de ces textes prévue au 1er janvier 2025, une feuille de route4 indiquant le calendrier d’élaboration de ces mandats (consistant notamment en l’adoption de projets de normes techniques d’exécution et de réglementation, d’orientations, d’avis et de rapports sur les différents sujets d’ordre prudentiel). Par ailleurs, l’ABE a lancé des consultations publiques jusqu’au 14 mars 2024 sur un premier jet de projets de textes sur les différents sujets prudentiels prévus par CRR III et CRD VI. L’ensemble de cette démarche de l’ABE vise, en principe, à apporter de la transparence et une meilleure prise en compte des préoccupations de l’industrie bancaire dans le cadre de la mise en œuvre du Paquet bancaire avant le 1er janvier 2025. Néanmoins, la portée de ces textes que l’ABE va adopter, comportera une part non négligeable d’actes juridiquement non contraignants (du type « orientations de l’ABE ») qui, souvent en pratique, vont au-delà des prescriptions des normes législatives tout en ayant des conséquences opérationnelles importantes.

2. La BCE prévient les banques de l’émergence de nouveaux risques. Le 12 février 2024, Claudia Buch, Présidente du Conseil de surveillance de la BCE5 a annoncé les principaux domaines d’intervention de la BCE en matière de surveillance prudentielle des banques dans une période de grande incertitude marquée notamment par le changement climatique et la numérisation. Dix ans après l’établissement du cadre européen de l’Union bancaire reposant sur le Mécanisme de surveillance unique, la BCE indique vouloir adapter la surveillance prudentielle à cet environnement de nouveaux risques émergents comme le risque climatique et les risques informatiques et cyber auxquels les banques sont exposées. En effet, la BCE constate que les banques n’ont pas suffisamment intégré, dans leurs processus de gestion, ces nouveaux risques ni même les avoir anticipés. Face à ce constat, la BCE annonce, sur les risques cyber, que les résultats d’un stress-test de cyber résilience, pour 109 banques sous surveillance directe de la BCE, seront publiés au cours de l’été 2024. S’agissant des risques climatiques, la BCE a indiqué qu’elle veillera à ce que les banques respectent les attentes prudentielles définies dans un Guide relatif aux risques liés au climat de 2020 et qu’elle intensifiera les mesures prudentielles par le biais notamment d’astreintes ou d’exigences de fonds propres supplémentaires.

3. Confirmation le 13 février 2024 par le CRU de l’absence, pour le secteur bancaire, de nouvelle contribution ex ante au FRU pour 2024. Le Président du Conseil de résolution unique (CRU), M. Dominique Laboureix, à l’occasion de sa Conférence annuelle du 13 février 2024, a confirmé qu’aucune nouvelle contribution ex ante au FRU ne sera appelée pour 20246. Créé en 2016, le FRU est en effet définitivement constitué car il a atteint, grâce à la perception des contributions ex ante, son niveau cible d’au moins 1 % du total des dépôts couverts au 31 décembre 20237, soit 78 Mds€. Cette annonce, plutôt rassurante pour le secteur bancaire8, intervient dans un contexte de négociation tendu du « Paquet législatif » réformant le cadre actuel de gestion des crises bancaires et de protection des dépôts (cadre dit « Crisis management and deposit insurance » ou CMDI) publié le 18 avril 2023 par la Commission européenne9. Cette proposition législative suscite plus précisément des inquiétudes de la part des banques, de grande taille fortement contributrices au FRU10, en raison de la volonté du législateur européen notamment d’élargir l’accès, à la procédure de résolution unique et ainsi au FRU11, aux banques de petite et moyenne tailles12 en facilitant l’utilisation des fonds des systèmes nationaux de garantie des dépôts en tant que « dispositif relais ». Au final, cette réforme revient à mutualiser le financement de la résolution des petites et moyennes banques par les grandes banques fortement contributrices au FRU dont les banques françaises qui sont les premières contributrices au FRU à hauteur de plus du tiers du montant total collecté13.

4. Lancement et publication le 13 février 2024 par le CRU de sa nouvelle vision stratégique du Mécanisme de résolution unique jusqu’en 2028. Après une année de consultation et de réflexion avec les parties prenantes (21 États membres participants à l’Union bancaire), le Conseil de résolution unique (CRU)14 a publié, le 13 février 2024, sa nouvelle vision stratégique du Mécanisme de résolution unique (MRU)15 jusqu’en 202816. Dans le cadre de cette dernière, le CRU et les autorités nationales de résolution devront se concentrer sur l’opérationnalisation de la résolution, les tests de résolution et la préparation aux crises. Cette séquence constitue une nouvelle étape du MRU en passant de la planification et de la préparation de la résolution à une accentuation de l’opérationnalisation. En pratique, cela permettra notamment de garantir que les banques puissent mettre en œuvre leurs plans et stratégies de résolution dans des délais très courts.

5. Publication le 7 février 2024 par le CRU de la liste des consultations publiques et des demandes régulières aux banques pour 2024. Le 7 février 2024, le CRU a publié, pour la première fois, la liste des consultations publiques et des demandes de données et livrables découlant des attentes à l’égard des banques qui sont prévues en 202417. Cette publication fait partie des efforts du CRU visant à répondre au souhait de l’industrie bancaire d’une plus grande transparence et prévisibilité, qui sont des éléments clés de sa stratégie à venir et qui permettront aux banques de mieux allouer leurs ressources et d’anticiper leur charge de travail au cours de l’année.

6. Publication le 16 janvier 2024 par l’ACPR d’un document opérationnel relatif à la mise en œuvre du mécanisme de renflouement interne. Le 16 janvier 2024, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié une notice opérationnelle relative à la mise en œuvre du mécanisme de renflouement interne (bail-in)18. Pour mémoire, le renflouement interne19 est l’un des quatre instruments de résolution que l’autorité de résolution est susceptible d’appliquer à l’établissement de crédit ou à l’entreprise d’investissement en difficulté, de manière exclusive ou en combinaison avec les autres instruments de résolution20 pour atteindre l’objectif de la résolution21. Le renflouement interne, visant à faire supporter le coût de la résolution d’une banque par ses ressources internes, consiste principalement en l’absorption des pertes et en la recapitalisation par les actionnaires et les créanciers. Le renflouement interne permet ainsi à l’établissement de continuer à respecter les conditions de son agrément et d’exercer ses activités en conformité avec les exigences prudentielles notamment de fonds propres. C’est, au titre de la mise en œuvre du renflouement interne, que la notice de l’ACPR a été publiée avec l’objectif de présenter son approche retenue, en tant qu’autorité de résolution nationale française responsable, conformément aux orientations de l’Autorité bancaire européenne (EBA/GL/2023/01)22. Ces orientations de l’ABE visaient, en effet, à assurer la prévisibilité et la transparence du mécanisme de bail-in23 et exigeaient des autorités de résolution de publier d’ici le 1er janvier 2024 leur approche retenue sur la mise en œuvre opérationnelle du renflouement interne. L’ACPR a été ainsi conduite dans cette notice à préciser les différentes étapes du renflouement interne, la chronologie des actions des parties prenantes et les différents scénarios en fonction des catégories d’instruments (titres de capital, titres de dette...) et de la nature des opérations (réductions, conversions...). Ces précisions donneront de la visibilité notamment aux établissements bancaires considérés comme « importants », pour lesquels le CRU est compétent pour prendre la décision de renflouement interne que l’ACPR doit mettre en œuvre. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº214
Notes :
1 European Banking Authority, « The EBA publishes roadmap on the implementation of the EU Banking Package » : https://www.eba.europa.eu/publications-and-media/press-releases/eba-publishes-roadmap-implementation-eu-banking-package
2 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne les exigences relatives au risque de crédit, au risque d’ajustement de la valorisation de crédit, au risque opérationnel, au risque de marché et le plancher de fonds propres dite « CRR III »
3 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, et modifiant la directive 2014/59/UE dite « CRD VI ».
4 EBA Roadmap On Strengthening the Prudential Framework Implementation Timeline of EBA Mandates under EU Banking Package (CRD-CRR) : https://www.bankingsupervision.europa.eu/press/speeches/date/2024/html/ssm.sp240212~8b11e7f6c7.en.html
5 European banking supervision a decade on: safeguarding banks’ resilience amid global challenges : https://www.bankingsupervision.europa.eu/press/speeches/date/2024/html/ssm.sp240212~8b11e7f6c7.en.html
6 SRB, « Single Resolution Fund: No Expected Contribution in 2024 as Target Level Reached » : https://www.srb.europa.eu/en/content/single-resolution-fund-no-expected-contribution-2024-target-level-reached
7 Voir l’article 69 paragraphe 1 du règlement n°806/2014.
8 Seuls les établissements des Etats membres participants à l’Union bancaire sont tenus de verser des contributions annuelles ex ante au FRU qui sont fonction de leur taille et de leur profil de risque.
9 Le paquet CMDI comprend principalement trois propositions de modifications de textes existants i) du règlement (UE) n° 806/2014 dit « règlement sur le mécanisme de résolution unique » ; (ii) de la directive 2014/59/UE dite « directive relative au cadre de redressement et à la résolution bancaire » ; (iii) de la directive 2014/49/UE dite « directive relative aux systèmes de garantie des dépôts ».
10 Les contributions ex ante au FRU que les banques sont tenues de verser sont fonction de leur taille et de leur profil de risque.
11 Sachant que le recours en résolution via le FRU reste toujours considéré comme un complément de la capacité interne d’absorption des pertes des banques en les imputant d’abord sues actionnaires et les créanciers de la banque (renflouement interne ou bail in), qui reste la première ligne de défense.
12 La réforme de CMDI vise à remédier aux défaillances des banques de petite et moyenne taille qui, au vu de l’expérience, ont été gérées dans le cadre de régimes nationaux impliquant souvent de recourir à l’argent du contribuable et donc en dehors du cadre européen de résolution. Pour mémoire, la mesure de résolution est mise en œuvre uniquement si l’intérêt public l’exige et si la liquidation de la banque dans le cadre d’une procédure nationale d’insolvabilité ne permet pas de réaliser dans la même mesure les objectifs de la résolution (il est donc plus facile d’accéder aux financements en dehors du cadre européen de la résolution).
13 Environ 3 000 banques européennes contribuent au FRU.
14 La mission du CRU, organisme décisionnel du MRU, est de garantir une résolution ordonnée d’une crise bancaire, en protégeant le contribuable, tout en préservant la stabilité financière.
15 Le CRU forme, conjointement avec les autorités nationales de résolution, le MRU, pilier 2 de l’Union bancaire mis en place en 2014.
16 « SRB Launches its “SRM Vision 2028” Strategy at SRB Conference » : https://www.srb.europa.eu/en/content/srb-launches-its-srm-vision-2028-strategy-srb-conference
17 Voir la liste des consultations : « 2024 List of consultations and requests to the industry » https://www.srb.europa.eu/system/files/media/document/2024-02-07_SRB-2024-List-of-consultations-and-requests-to-the-industry.pdf
18 ACPR, « L’ACPR publie un document opérationnel permettant la mise en œuvre de l’instrument de renflouement interne (bail-in) en France », communiqué de presse, 16 janvier 2024 : https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20240116_communique_presse_mise_en_oeuvre_du_renflouement_interne_bail-in.pdf
19 Voir les articles 43 à 55 de la directive n°2014/59/UE (la directive établissant un cadre européen pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement dite « BRRD »).
20 Les trois autres instruments de résolution sont la cession des activités, la constitution d’un établissement relais ou la séparation des actifs (voir l’article 37 paragraphe 3 de la BRRD).
21 L’objectif principal de la résolution des établissements en difficulté est (i) de permettre à un établissement de poursuivre l’essentiel de son activité bancaire et (ii) d’éviter le recours aux fonds publics et l’effet de contagion en chaîne.
22 Ces orientations de l’ABE relatives au mécanisme de conversion applicable à la dépréciation et à la conversion, et au renflouement interne ont été publiées le 5 mars 2023. L’ACPR a déclaré son intention de se conformer à ces orientations par un avis de conformité du 17 juillet 2023.
23 Impliquant des valorisations complexes d’actifs et de passifs des banques et l’intervention de nombreuses parties prenantes (les établissements défaillants, leurs agents payeurs, le CRU, le collège de de résolution de l’ACPR, l’AMF, le dépositaire central de titres français...).
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