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Actualité sur les crypto-actifs du Règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Markets in Crypto-Assets ou MiCA) publié le 9 juin 2023 (le « Règlement MiCA »)1

Créé le

31.01.2024

Un intéressant projet de Règlement délégué venant compléter le Règlement MiCA a fait l’objet d’une phase de consultation en fin d’année dernière. Nous en soulignerons les principaux éléments. On notera ensuite quelques évolutions fiscales notamment en matière de staking, la constitution d’un groupe de travail commun entre l’ACPR et l’AMF sur les smart contracts pour terminer par un rapide point d’actualité sur la LCB-FT2.

La Commission précise que ce projet a pour objectif de :

– préciser les critères permettant de déterminer si un jeton se référant à un ou plusieurs actifs, ou un jeton de monnaie électronique, doit être considéré comme d’importance significative ;

– instaurer des mesures de surveillance concernant les pouvoirs d’intervention sur les produits (c’est-à-dire les pouvoirs permettant à un organe ou une autorité de restreindre ou d’interdire la vente de crypto-actifs ou des activités connexes) ;

– fixer les règles de procédure régissant l’imposition d’amendes par l’Autorité bancaire européenne (ABE) ;

– instaurer des règles relatives aux frais de surveillance facturés par l’ABE.

De manière plus concrète, le projet précise les règles procédurales concernant l’adoption de mesures de contrôle et l’imposition d’amendes de l’ABE déjà énoncées à l’article 134 du Règlement MiCA. En effet, le projet de règlement délégué, qui se compose de 9 articles, décrit en pratique l’application précise des règles relatives aux procédures d’enquête et à l’exercice du pouvoir d’infliger des amendes ou des astreintes, tout en encadrant les droits de la défense, ainsi que les questions de prescription et d’exécution.

L’article 1 du projet établit des règles procédurales dans les procédures d’infraction devant l’agent d’enquête, notamment sur la communication entre la personne visée par l’enquête et le responsable de l’enquête. Après une enquête sur une infraction présumée, le responsable de l’enquête doit informer la personne visée des conclusions et lui donner la possibilité de présenter des observations écrites. Le relevé des conclusions expose les faits et évalue la nature et la gravité des infractions. La personne visée par l’enquête à laquelle un relevé de conclusions a été adressé peut se voir inviter à une audition.

L’issue d’une enquête est envisagée à l’article 2 du projet. Le dossier complet soumis à l’ABE comprend le relevé de conclusions, les observations écrites de la personne faisant l’objet de l’enquête et le procès-verbal d’une audition le cas échéant. Lorsqu’un dossier est incomplet, l’ABE adresse au responsable de l’enquête une demande motivée de documents supplémentaires. À la réception du dossier, l’ABE peut décider de clôturer l’enquête si elle considère que les faits ne constituent pas une infraction. À l’inverse, si l’ABE approuve les conclusions, elle informe la personne visée, en fixant un délai pour d’éventuelles observations écrites et peut également l’inviter à une audition. Finalement, si l’ABE décide qu’une infraction a été commise, elle informe les autorités compétentes et adopte une décision infligeant une amende, notifiée immédiatement à la personne faisant objet de l’enquête.

Les décisions adoptées par l’ABE peuvent être assorties d’astreintes, la procédure pour leur mise en œuvre est décrite à l’article 3 du projet. Avant d’adopter une décision imposant une astreinte, l’ABE soumet à la personne faisant l’objet de l’enquête un relevé de conclusions exposant les raisons justifiant l’imposition d’une astreinte et le montant de l’astreinte par jour de non-conformité. La décision d’imposer une astreinte indique la base juridique, les motifs, le montant et la date de début de l’astreinte. L’astreinte cesse une fois que la personne s’est conformée à la décision.

L’ABE peut adopter des décisions provisoires imposant des mesures de surveillance, elles sont visées à l’article 4 du projet. Cet article indique que lorsque l’ABE adopte une décision provisoire imposant des mesures de surveillance, elle notifie immédiatement cette décision à la personne concernée. Cette personne a un délai de quatre semaines pour présenter des observations écrites. L’ABE peut inviter la personne à une audition et prend une décision finale dès que possible après la décision provisoire. Si après audition l’ABE conclut qu’une infraction a été commise, elle adopte une décision confirmative imposant des mesures de surveillance. À l’inverse, si la décision finale ne confirme pas la décision provisoire, cette dernière est réputée abrogée.

L’article 5 du projet concerne l’accès au dossier et l’utilisation des documents dans le cadre des procédures d’infraction. Il prévoit que sur demande, l’ABE accorde à la personne soumise à l’enquête, l’accès au dossier après la notification d’un relevé de conclusions. La personne ne peut utiliser les documents qu’aux fins de procédures judiciaires ou administratives liées à l’application du Règlement MiCA.

Le projet de Règlement délégué instaure également des délais de prescription pour l’imposition d’amendes et d’astreinte et pour l’exécution des sanctions. L’article 6 du projet prévoit que les amendes et astreintes se prescrivent par une durée de cinq ans. Le délai commence à courir dès le jour suivant celui où l’infraction a été commise, ou pour les infractions continues, le jour où l’infraction cesse. Toute mesure prise par l’ABE interrompt le délai de prescription, qui reprend après chaque interruption. La prescription est suspendue pendant les procédures en cours devant la chambre de recours ou la Cour de justice de l’Union européenne.

L’article 7 du projet soumet le pouvoir de l’ABE d’exécuter les décisions à un délai de prescription de cinq ans, calculé à partir du jour suivant celui où la décision devient définitive. Le délai est interrompu par toute action de l’ABE visant à faire respecter le paiement des amendes ou astreintes. Chaque interruption fait courir à nouveau le délai, et la prescription est suspendue pendant certaines circonstances telles que l’octroi d’un délai de paiement ou lorsqu’une décision est en attente devant la chambre de recours de l’ABE ou la Cour de justice de l’Union européenne.

Finalement, le projet pose des règles concernant le recouvrement des amendes et astreintes. L’article 8 du projet prévoit que les montants perçus sont déposés sur un compte rémunéré ouvert par l’ABE jusqu’à ce qu’ils deviennent définitifs. En cas d’amendes et d’astreintes multiples perçues par l’ABE en parallèle, l’ABE veille à ce qu’elles soient déposées sur des comptes différents. Après l’épuisement des droits de recours, une fois que l’ABE établit que les amendes ou astreintes sont définitives, elle transfère ces montants à la Commission, qui les inscrit au budget général de l’Union. L’ABE rapporte régulièrement à la Commission sur le montant des amendes et astreintes imposées et leur état d’avancement.

Le dernier article du projet de Règlement délégué concerne son entrée en vigueur et sa date d’application. Le Règlement entrerait en vigueur le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne et serait obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les États membres.

On peut citer par exemple l’European Crypto Initiative4 qui souligne la proposition d’un délai minimum de quatre semaines notamment pour déposer des observations écrites, tout en suggérant des périodes plus longues pour aborder la complexité des tâches. De plus, l’importance de la proportionnalité et de la prise en compte des circonstances spécifiques est recommandée par l’organisation.

Aussi, BIN-SAAD5 en Arabie saoudite, insiste sur l’importance du principe de surveillance des crypto-actifs, de la fixation de leurs frais et de la surveillance de leurs marchés pour limiter la fraude et la manipulation des prix. Il souligne également la nécessité de connaître les propriétaires de ces actifs pour prévenir la manipulation par les plateformes de monnaies cryptées.

Enfin, dans un autre avis intéressant émis par l’Université Brunel de Londres6, l’approche proactive de l’Union européenne dans la régulation des crypto-actifs est appréciée. Cependant l’avis mentionne également des préoccupations quant à la possibilité que des crypto-actifs plus petits échappent à un examen rigoureux, créant ainsi un angle mort réglementaire. Des défis tels que l’application transfrontalière, la protection des consommateurs de détail, et la nécessité de réglementations supplémentaires pour prévenir l’utilisation abusive des crypto-actifs sont également soulevés.

La loi de finances pour 2024 a été promulguée le 29 décembre 2023. Après plusieurs recours à l’article 49.3 de la Constitution, la loi de finance a finalement été adoptée par le Gouvernement. Dans le premier texte pour lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, il avait approuvé un amendement relatif au staking.

Pour rappel, le staking est une activité qui consiste à obtenir des revenus passifs avec les cryptomonnaies détenues. Plus précisément, il s’agit de bloquer une partie de ses cryptomonnaies afin de recevoir des récompenses en échange7.

Cet amendement prévoyait d’ajouter à la liste des revenus imposés au titre des bénéfices non commerciaux « les produits issus de la participation à la création ou au fonctionnement d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé, dès leur perception »8.

Les auteurs dans l’exposé sommaire de l’amendement précisaient que « la perception de rétributions pour ce type d’activités s’apparentant non pas à une opération de cession d’actif, mais à la perception d’un revenu ». Cet amendement indiquait également que « le fait générateur de l’imposition de ces activités se situe à la perception de la rétribution, quelle qu’en soit la forme, en application du droit commun de l’impôt sur le revenu ».

Autrement dit, la disposition prévoyait l’imposition des gains de staking (mais aussi d’autres activités telles que le mining etc.) dès leur réception, selon le cadre prévu pour les bénéfices non commerciaux9. En effet, il régnait dans le cadre juridique français un certain flou concernant le moment de l’imposition de tels revenus.

À ce sujet, le Conseil d’État avait déjà affirmé dans un arrêt du 26 avril 201810 que « les gains issus d’une opération de cession, le cas échéant unique, d’unités de bitcoin sont ainsi susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle ».

On croyait alors que la loi de finances pour 2024 allait mettre fin à ce flou juridique en légalisant la solution jurisprudentielle précitée, mais le Gouvernement a fait marche arrière. Dans le texte final de la loi, pour lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l’article 49.3 de la Constitution une nouvelle fois, la disposition a été supprimée. L’exécutif justifie son revirement : « Cette suppression permettra au Gouvernement, en concertation avec les représentants du secteur en France, d’établir un dispositif plus adapté à la spécificité et à la complexité des activités de minage, en vue d’un prochain texte financier11. »

Il reste finalement de cet amendement sur les actifs numériques une mesure tendant à élargir l’obligation de déclaration des références de comptes d’actifs numériques aux professionnels. L’article 1649 bis C du Code général des impôts (CGI) prévoyait une telle obligation aux seules personnes physiques, mais l’article 47 de la loi de finances pour 2024 est venu modifier le CGI, en ajoutant « les entités juridiques » au public visé par l’article.

Annoncé lors du forum fintech en date ce 16 octobre dernier, l’APCR et l’AMF ont décidé de lancer un groupe de travail dédié à la certification des smart contracts12 dans l’objectif de pouvoir construire un cadre réglementaire adapté à la finance décentralisée.

Pour rappel, les smart contracts sont des contrats prenant appui sur la technologie blockchain afin de pouvoir garantir grâce à cette dernière leur intégrité et leur inviolabilité. L’aspect « smart », ou intelligent, du contrat réside finalement dans sa capacité à pouvoir exécuter de manière automatique des instructions définies au préalable13.

Comme l’a précisé Mme Barbat-Layani (présidente de l’AMF), l’objectif de ce groupe de travail sera « d’explorer certaines caractéristiques techniques » des smart contracts qui sont actuellement au centre des DeFI mais également d’en « étudier la possibilité d’en tirer parti comme élément possible d’un dispositif réglementaire futur ». La vocation est donc de pouvoir finalement développer des règles spécifiques, mais aussi adaptées à la nature et au fonctionnement décentralisé de ces nouveaux types de contrats.

C’est depuis juillet 2021 que la Commission européenne a commencé ses travaux de refonte des règles de la LCB-FT. Au départ, plusieurs propositions avaient été faites :

– celle d’un nouveau règlement visant à créer une nouvelle autorité dédiée à la LCB-FT (« AMLA ») ;

– une nouvelle directive LCB-FT ;

– un nouveau règlement LCB-FT, avec pour objectif de fournir un paquet réglementaire unique ;

– et la révision du Règlement sur les Transferts de fonds ayant pour objectif de faire entrer les prestataires de services de crypto-actifs dans ce cadre réglementaire.

Cependant, c’est pour l’instant seulement la révision du Règlement sur les Transferts de fonds qui a été approuvé14 par le Conseil et le Parlement au printemps 2023. Concernant les trois propositions restantes, elles sont toujours en discussions tripartite entre la Commission, le Conseil, et le Parlement dans le but de trouver un consensus. Des suggestions de renforcement ont déjà été proposées notamment par le Conseil qui a fait valoir son ambition d’une AMLA avec plus de pouvoir que dans les propositions passées ou encore une transparence des registres nationaux des bénéficiaires effectifs15.

Ces discussions interviennent au moment où Binance, la première plateforme de cryptomonnaies, a été condamnée à payer une amende record de 4,3 milliards de dollars à la justice américaine. Il est reproché à l’entreprise d’avoir violé les lois antiblanchiment américaines, telles que le manquement à son enregistrement en tant que société bancaire et plus généralement des manquements à ses obligations en matière de lutte antiblanchiment comme le contrôle d’identité de ses utilisateurs16. Son fondateur a démissionné de ses fonctions, il encourt une peine de prison qui sera prononcée dans les mois à venir et devra payer une amende de 50 millions de dollars. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº213
Notes :
1 À la suite à son adoption par le Parlement européen le 25 avril 2023, puis par le Conseil de l’Union européenne, le 24 mai 2023, le règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, (MiCA) a été publié au Journal officiel du 9 juin 2023.
2 Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
3 Règlement délégué de la Commission (UE) .../... de XXX complétant le règlement (UE) n° 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil en précisant les règles de procédure pour l’exercice du pouvoir d’infliger des amendes ou des astreintes par l’Autorité bancaire européenne aux émetteurs de jetons référencés par des actifs significatifs et aux émetteurs de jetons de monnaie électronique significatifs, 8 nov. 2023, Ref. Ares(2023)7581975.
4 European Crypto Initiative, 9 décembre 2023.
5 BIN-SAAD, 11 novembre 2023.
6 Université Brunel de Londres, 1er décembre 2023.
7 V. par exemple « Qu’est-ce que le staking ? », 27 juill. 2020 : https://journalducoin.com/.
8 Projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), Amendement n° I-5048: https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1680A/AN/5048.
9 Yann-Olivier Bricombert, « France : Les gains du staking imposés dès 2023 ? », 22 oct. 2023 : https://fr.cryptonews.com/news/gains-staking-impots-2023-amendement.htm.
10 Conseil d’État, 8e et 3e chambres réunies, arrêt du 26 avril 2018, n°417809.
11 Projet de loi de finances pour 2024 (n° 1985), Amendement n°692 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1985/AN/692
12 Discours de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France , président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, « Les Fintechs, aux avant-postes des “nouvelles frontières” », 16 octobre 2023 : https://www.banque-france.fr.
13 « Qu’est-ce qu’un smart contract ? » : https://www.coinhouse.com/fr/academie/ethereum/smart-contract/.
14 Carriages preview, Legislative Train Schedule (europa.eu), Lutte contre
le blanchiment de capitaux: le Conseil adopte des règles qui permettront d’assurer
la traçabilité des transferts de crypto-actifs - Consilium (europa.eu).

15 « Plan de réforme de la LCB de l’UE : le point sur son avancement », 28 juill. 2023 : https://complyadvantage.com.
16 M.G. avec AFP, « Crypto : Binance en zone de fortes turbulences après le départ de son PDG », 22 nov. 2023, lexpress.fr ; M. Orange, « La justice américaine porte un coup d’arrêt à Binance », 22 nov. 2023, Mediapart.fr.
RB