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Actualité sur les crypto-actifs du Règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Markets in Crypto-Assets ou MiCA) publié le 9 juin 2023 (le « Règlement » ou Règlement MiCA)1

Créé le

02.04.2024

-

Mis à jour le

03.04.2024

La mise en œuvre et l’adaptation au Règlement MiCA continue. Alors que le Haut Comité Juridique de la Place financière
de Paris a publié son rapport relatif à la future application
du Règlement MiCA en France, l’ESMA publie un document
de consultation sur le projet d’orientations sur la sollicitation inversée. Le cadre des crypto-actifs est également sensible aux avancées sur l’entrée en vigueur de la réglementation DORA et aux réflexions quant à la mise en place d’un euro numérique.

1. L’AMF appelle les acteurs à se préparer à l’entrée en application du règlement européen DORA

Le Digital Operational Resilience Act (DORA), qui vise à harmoniser les règles relatives à la cybersécurité et à la gestion des risques informatiques dans le secteur financier, entrera en application le 17 janvier 2025. Le champ d’application du règlement est très large et inclut toutes les entités du secteur financier, ainsi que les entreprises qui leur fournissent des services informatiques sur des fonctions critiques ou importantes. Les établissements de crédit, les sociétés de gestion, les prestataires de service de financement participatif ou les prestataires de services sur crypto-actifs agréés en vertu du Règlement MiCA sont inclus dans le périmètre.

DORA intéresse particulièrement les acteurs du domaine des actifs numériques en raison des risques cyber inhérents à ces actifs et de l’omniprésence des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le domaine.

2. L’adaptation du droit français au Règlement MiCA analysée par le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP)2

Le Règlement MiCA a été adopté dans le but de mettre en œuvre un cadre européen harmonisé pour « soutenir l’innovation et une concurrence loyale, tout en garantissant un niveau élevé de protection des détenteurs de détail et l’intégrité des marchés de crypto-actifs ».

Ledit Règlement entrera en application le 31 décembre 2024, avec la particularité d’instaurer une période transitoire. Ainsi, jusqu’au 1er juillet 2026, le règlement cohabitera avec les dispositions des droits nationaux et notamment en France, les dispositions sur les prestataires de service sur actifs numériques (PSAN)3 instaurées par la loi Pacte du 22 mai 2019.

Le HCJP a été mandaté par la Direction générale du trésor, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour travailler sur l’évolution de la réglementation française des actifs numériques, en vue de l’entrée en application du Règlement MiCA. Le HCJP a publié son rapport le 22 mars dernier.

Les travaux du comité visent, d’une part, l’évolution du statut français de PSAN au regard de l’émergence du nouveau statut de prestataire de service sur crypto-actifs (PSCA) issu du Règlement MiCA4 et, d’autre part, la procédure d’émission des actifs numériques à l’aune des nouvelles dispositions sur l’émission de crypto-actifs, et notamment sur la publication d’un livre blanc5, issues de MiCA.

Le HCJP avait notamment pour mission d’identifier les « points de frictions » entre les différents dispositifs susvisés, afin de formuler des propositions de modification du droit français, pour permettre le maintien d’une réglementation intelligible et l’absence de « surtransposition ».

Dans ce sens, le groupe de travail a formulé une analyse approfondie de la définition des notions préexistantes de droit français (actifs numériques, dispositifs d’enregistrement électroniques partagés, jetons, etc.), notamment au regard des notions équivalentes de la réglementation issue du Règlement MiCA. L’objectif consiste à maîtriser les éventuels conflits de qualification, de préserver une appréhension exclusive prévue par le Règlement MiCA et d’éviter, après la période transitoire, une superposition du Règlement MiCA avec le dispositif législatif français. La précision de l’ensemble des notions visées par le Règlement MiCA en droit interne permettra de garantir l’effectivité du champ d’application du nouveau règlement.

Finalement, on peut noter que le rapport a également évoqué l’élaboration d’un droit des biens français relatifs aux crypto-actifs. Le Règlement MiCA ne visant que la régulation des activités et non pas les questions relatives à l’aspect patrimonial de ces nouveaux actifs, il est intéressant de noter que le rapport a précisé les aspects de droit privé, notamment sur le transfert de propriété de ces actifs, afin de proposer un régime français complet, harmonieux et compétitif.

3. Point sur l’avancée du processus législatif du règlement relatif à l’établissement d’un euro numérique

Le processus législatif sur l’adoption de l’euro numérique continue, la Commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen a publié le 9 février 2024 un projet de rapport (le « Projet de Rapport ») sur la proposition de règlement établissant l’euro numérique (la « Proposition de Règlement »)6. Alors que des amendements de l’ECON semblent, d’une part, se concentrer sur le rôle spécifique de la Banque Centrale Européenne (BCE), le projet de rapport fait également référence au modèle de distribution du futur euro numérique.

Les précisions quant au rôle de la BCE

Dans un premier temps, l’ECON crée un nouvel article 13 bis7 au sein de la Proposition de Règlement, dans lequel est prévue la mise en place d’une interface par la BCE permettant aux prestataires de services de paiement distributeurs éligibles d’obtenir des avoirs dans les portefeuilles en euros numériques d’un utilisateur d’euros numériques et d’effectuer des paiements pour le compte dudit utilisateur. La BCE mettra à disposition des normes techniques et des accès en vue d’effectuer des tests de mise en œuvre.

Ensuite, un des amendements cible la séparation des missions de la BCE en matière de surveillance et d’euro numérique8. Ainsi, le nouvel article 4 ter introduit par le Projet de Rapport dans la Proposition de Règlement indique expressément qu’« une séparation nette est établie entre les missions monétaires, de surveillance et de supervision des systèmes de paiement de la Banque centrale européenne ». Cet amendement vise notamment la création d’une unité spécialisée au sein de la BCE, qui aura compétence exclusive pour les tâches liées à l’exploitation et à la gestion d’un système et d’une infrastructure de paiement en euros numériques. Aussi, l’unité serait indépendante sur le plan de la comptabilité, de l’organisation et des processus décisionnels. La BCE devrait tenir un rôle de surveillance sur les niveaux de rémunération et la conformité des frais.

En revanche, le projet de rapport prévoit que les limites de détention peuvent être directement convenues individuellement entre le prestataire de services de paiement et l’utilisateur de l’euro numérique9.

L’extension aux permissionless ledgers

La proposition de l’ECON se démarque par des mesures sur l’utilisation des paiements conditionnels en euro numérique et leur inclusion à des registres sans permission (permissionless ledgers).

En effet, l’ECON a ajouté la mention suivante au considérant 56 de la Proposition de Règlement, « les paiements conditionnels en euros numériques peuvent également être effectués sur des registres distribués sans autorisation où jusqu’à présent, seuls des actifs émis à titre privé, tels que des crypto-actifs ou des pièces de monnaie stables, sont disponibles comme moyen de paiement ». L’ECON envisage ainsi l’utilisation de l’euro numérique « en tant que jeton à référencer sur ces chaînes ».

L’extension des paiements conditionnels en euro numérique à ce type de blockchain semble être opposé à l’architecture soutenue par la BCE et le Conseil. Même si la proposition d’amendement risque de ne pas aboutir face aux potentielles oppositions du Conseil et de la BCE, ces incertitudes témoignent des divergences au sein de l’Union européen et du besoin de clarification de la structure de l’euro numérique.

On notera qu’un vote en plénière du Parlement pourrait intervenir le 22 avril.

4. L’European Securities and Markets Authority (l’« ESMA ») publie un document de consultation sur un projet d’orientations sur la sollicitation inversée

L’article 61 du Règlement MiCA prévoit l’exception de sollicitation inversée : « Lorsqu’un client établi ou situé dans l’Union lance, sur son initiative exclusive, la fourniture d’un service ou d’une activité sur crypto-actifs par une entreprise d’un pays tiers », cette dernière bénéficie d’une exemption à l’obligation de disposer d’un agrément en tant que prestataire de services sur crypto-actifs. Au paragraphe 3 de ce même article, il est prévu que l’ESMA émettra au plus tard le 30 décembre 2024, des orientations « visant à préciser dans quelles circonstances une entreprise d’un pays tiers est réputée démarcher des clients établis ou situés dans l’Union ».

Le 29 janvier 2024, l’ESMA a publié un document de consultation sur le projet d’orientations sur la sollicitation inversée. Les contributeurs pourront faire part de leur avis et commenter ledit projet jusqu’au 29 avril 2024.

Dans ce projet d’orientations, l’ESMA expose une approche restrictive de l’exception de sollicitation inversée.

Dans son Orientation 1, l’ESMA envisage les moyens de sollicitation et indique que « la sollicitation de clients par des entreprises de pays tiers devrait être interprétée de manière large et neutre sur le plan technologique »10.

L’ESMA considère que la publicité par tout moyen peut constituer une sollicitation directe, et vise les publicités sur internet, les brochures, les appels téléphoniques, les réunions, les communiqués de presse, les médias sociaux, les applications mobiles, mais également la participation à tout type d’évènement (foire commerciale, campagne d’information...), ou encore l’invitation à la participation à une formation.

Dans son Orientation 2, l’ESMA précise que la sollicitation peut provenir directement de l’entreprise établie dans un pays tiers fournissant le service sur crypto-actifs mais également de toute autre personne agissant explicitement ou implicitement pour le compte de cette entreprise ; sont notamment visés ici les « influenceurs ».

L’ESMA clarifie également dans son Orientation 4 la possibilité, à la suite de la prestation découlant de l’initiative exclusive du client, de commercialiser des crypto-actifs ou des services sur crypto-actifs de même type. L’ESMA rappelle que la question de savoir si un crypto-actif ou un service est de même type que celui objet de l’opération initiale doit être examinée au cas par cas. Afin d’illustrer ce point, l’ESMA propose une liste non exhaustive de paires de crypto-actifs qui ne doivent pas être considérés comme appartenant au même type, on peut par exemple citer les jetons de monnaie électronique ne faisant pas référence à la même monnaie officielle.

Finalement, des orientations de l’ESMA portent sur les pratiques de surveillance visant à détecter et à empêcher le contournement de l’obligation d’agrément. Les autorités compétentes sont appelées à surveiller les entités ciblant des clients dans l’Union européenne, et l’ESMA ajoute qu’elles peuvent utiliser des outils de surveillance issus du marketing, en particulier ceux permettant de surveiller l’activité sur les médias sociaux, car ils peuvent donner une indication des marchés géographiques ciblés par les entreprises de pays tiers. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº214
Notes :
1 À la suite à son adoption par le Parlement européen le 25 avril 2023, puis par le Conseil de l’Union européenne, le 24 mai 2023, le règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, (MiCA) a été publié au Journal officiel du 9 juin 2023.
Le « Le règlement MiCA », rapport du HCJP du 27 janv. 2024, publié le 22 mars 2024.
2 Article L. 54-10-1 et suivants du Code monétaire et financier.
3 Article 59 et suivants du Règlement (UE) 2023/1114.
4 Article 6 et suivants du Règlement (UE) 2023/1114.
5 Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’euro numérique COM(2023) 369 final 2023/0212(COD).
6 Amendement 58, projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’euro numérique (COM(2023) 0369– C9-0219/2023 – 2023/0212(COD)), Commission des affaires économiques et monétaires, 2 février 2024.
7 Amendement 48, projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’euro numérique (COM(2023) 0369– C9-0219/2023 – 2023/0212(COD)), Commission des affaires économiques et monétaires, 2 février 2024.
8 Amendement 67, projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’euro numérique (COM(2023) 0369– C9-0219/2023 – 2023/0212(COD)), Commission des affaires économiques et monétaires, 2 février 2024.
9 « The solicitation of clients by third-country firms should be construed broadly and in a technology neutral way. »
RB