Depuis la crise financière, le tsunami de nouvelles réglementations bancaires et le renforcement de la supervision financière a donné lieu à une inflation des exigences de reporting auprès des autorités de contrôle nationales et supranationales.
Née dans les années 1990 (lire encadré), l’inflation des exigences de reporting ne faiblit pas. En témoignent les chantiers en cours, avec en France l’entrée en vigueur en janvier 2022 de RUBA (reporting unifié des banques & assimilés – remplaçant de SURFI, lui-même issu de BAFI) et, à l’échelle européenne, la réforme Bâle IV (ou finalisation de Bâle III, dans le jargon des régulateurs), prévue pour 2022-2023.
Un modèle de reporting réglementaire qui a atteint ses limites
Dans leur immense majorité, ces rapports réglementaires prennent la forme de tableaux statiques définis par les autorités de supervision (plus fréquemment nommés templates), contenant des données agrégées et/ou calculées par les établissements financiers à partir des informations détaillées issues de leur système d’information : systèmes comptables, base clients, systèmes de gestions, calculateurs risques et autres référentiels.
La mise en œuvre successive de toutes les directives de reporting nationales puis supranationales se traduit aujourd’hui par un modèle qui a atteint ses limites :
Un poste de coût important pour le secteur financier
En témoignent les résultats d’une étude publiée par l’EBA en juin 2021, qui visait à évaluer le coût pour les établissements de crédit des reportings sous sa supervision, en particulier les COREP (rapports prudentiels) et FINREP (rapports financiers).
D’après cette étude, à laquelle plus de 4 600 établissements ont participé à l’échelle européenne, la production des reporting à destination de l’EBA engendre un coût annuel moyen de 5,3 M€ en RTB (Run the Bank) pour les établissements systémiques, à laquelle s’ajoute un coût de transformation de 3 M€ en CTB (Change the Bank) pour déployer les nouvelles exigences de reporting.
Les établissements de taille intermédiaire font face à des coûts du même ordre de grandeur (respectivement 5 M€ et 2,5 M€). Pour les petits établissements, la charge de reporting représente 1,5 M€ en RTB et 0,5 M€ en CTB.
Dans cette étude, l’Autorité européenne mentionne que l’une des pistes les plus prometteuses, à terme, pour réduire les coûts des reportings est la mise en place de reportings granulaires, en remplacement des reportings agrégés. Un tel modèle permettrait de réduire la charge de travail, tant pour les établissements financiers que pour les autorités de contrôle. Le rapport recommande de promouvoir les études et travaux sur les modèles intégrés-granulaires de reporting.
Notre vision de l’évolution des reportings vers un modèle granulaire
Nous avons acquis la conviction forte que le modèle de production des reportings va évoluer vers un modèle granulaire, sous forme de cubes de données. Différents paramètres permettent d’être confiants sur la maturité du secteur à opérer cette transition :
Pour l’industrie financière, ce changement de paradigme vers un modèle de collecte granulaire se traduirait par une nette réduction de la pesanteur administrative et des coûts de la fonction reporting. La mise en place d’entrepôts de données à une maille fine, outre un niveau faible de transformation pour les déclarants, comparativement à des reportings agrégées évoluant à chaque réglementation, offre par ailleurs la possibilité de développer d’autres usages en interne, en particulier pour les fonctions régaliennes (risque, finance, conformité, audit).
Les bénéfices sont également significatifs pour les autorités de supervision, avec une augmentation de la qualité et de la valeur ajoutée des données collectées, nécessaire pour une supervision précise, efficace et évolutive, tout en limitant le recours à des demandes récurrentes de données complémentaires adressées aux établissements.
BIRD et IReF : deux initiatives ouvrant la voie à un format européen harmonisé de reporting
Le régulateur bancaire européen a lancé deux initiatives complémentaires visant à expérimenter la mise en place de dispositifs de remise de données détaillées et granulaires, sous forme de cubes de données (clients, contrats, transactions, etc.) :
Ces deux initiatives au potentiel prometteur suscitent un fort intérêt du marché, mais force est de constater qu’hormis quelques expérimentations limitées à certaines briques du BIRD et à un nombre réduit de reportings réglementaires, leur adoption par les banques commerciales européennes se fait encore attendre. La majorité des acteurs adoptent une posture de veille et n’ont, à ce jour, pas encore lancé leurs études d’impact et projets d’implémentations sur le sujet.
Les défis majeurs à relever par les banques et régulateurs afin d’opérer avec succès ce changement de paradigme
Cette transformation en profondeur du mécanisme de reporting réglementaire suppose de lever un certain nombre d’obstacles :
Etant donné les exigences en la matière nées ces vingt dernières années, le modèle actuel de reporting, complexe et couteux, n’est plus soutenable par le secteur financier. Sa transformation vers un mécanisme de reporting harmonisé et granulaire, sous forme de cube de données, nous apparaît comme une suite logique, offrant des perspectives très prometteuses en matière de rationalisation et de réduction des coûts de reporting réglementaire, mais également de valeur ajoutée des données collectées pour l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur. Les défis à relever sont encore nombreux et nécessiteront un important travail de collaboration entre les autorités supranationales et nationales et l’industrie financière pour opérer ce virage, qui devrait se matérialiser, selon nous, d’ici la seconde moitié de cette décennie.
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