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Réglementation

Crédit à la consommation : la directive européenne en question

Créé le

17.11.2021

L’Europe remet le sujet du crédit consommation sur le haut de la pile. La France n’en avait pas besoin, surtout après une année 2020 marquée par la crise du Covid. État des lieux du marché et des propositions de la Commission.

Quelques chiffres valent mieux que bien des discours : 209 milliards d'euros, c’est l’encours [1] du crédit à la consommation en France à fin 2020, ce qui représente 17,8 % de la consommation annuelle des ménages et finance des dépenses à hauteur de 9,1 % du produit intérieur brut. Le crédit à la consommation joue donc un rôle essentiel dans l’économie française. D’ailleurs, près de 25 % des ménages en détiennent [2] . Dans cet univers, la part de marché des adhérents de l’Association des sociétés financières (ASF) s’élève à 43 %. Ces adhérents sont principalement des filiales de grands groupes de la distribution, de l’automobile ou du secteur bancaire. Ils distribuent du crédit soit directement (prêt personnel notamment), soit par l’intermédiaire de réseaux de commerçants, sur le lieu de vente.

2020, une année de crise

Sans surprise, leur activité a été très touchée en 2020 par les confinements successifs et les fermetures de magasins. Le recul de la production est de -11,7 % sur l’ensemble de l’année (-68 % sur le seul mois d’avril 2020). Pourtant, 22,5 millions de biens d’équipement des ménages (automobile, équipement du foyer, ameublement, multimédia…) ont été financés en 2020, année hors normes à tous points de vue. Le crédit renouvelable affiche un bilan atypique : il régresse plus, à -15,3 %, soit 7,8 Mds d'euros, un décrochage supérieur à celui de 2009 (-11,2 %). Surtout, l’activité est à son niveau le plus bas des vingt-six dernières années.

Un marché sain dans l’Hexagone

Le marché français du crédit à la consommation est très concurrentiel, avec différentes catégories de crédits répondant à des besoins spécifiques : prêt personnel, crédit renouvelable, crédit affecté, location avec option d’achat. En outre, le niveau de taux est comparativement plus faible que dans les autres grands pays européens (voir graphique).

Ce marché, qui voit intervenir de grands acteurs pan-européens, est parvenu à une certaine maturité. Le niveau d’endettement des ménages est relativement bien maîtrisé, avec 60 000 primo-dépôts de dossiers de surendettement en 2020, en décroissance depuis cinq ans.

Bien sûr, au printemps 2020, lors du premier confinement, il a connu une vague de demandes de report d’échéances par des ménages inquiets. Les prêteurs y ont répondu au cas par cas, avec des solutions adaptées. Lorsque ces reports sont parvenus à échéance, les remboursements ont repris à l’automne, sans incidents notables. Depuis, il n’a pas été constaté de hausse des demandes de report d’échéances ni des impayés. Grâce aux mesures gouvernementales de soutien du pouvoir d’achat des ménages, l’impact de la crise a été atténué. Le coût du risque est revenu, à ce stade, à un niveau historiquement faible.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’ils sont déjà plus strictement réglementés que leurs homologues européens (voir encadré), les acteurs français n’étaient pas demandeurs d’une révision de la directive européenne sur le crédit aux consommateurs : elle ne se justifie pas sur le marché national.

Un champ d’application étendu

La Commission européenne a rendu public le 1er juillet 2021 sa proposition de révision de la directive de 2008. Les aménagements proposés sont de grande ampleur : le texte passe de 32 à 50 articles. Ils visent à répondre à des évolutions de marché (telles que la digitalisation du parcours client, le développement de crédits de faible montant ou de courte durée mais assortis d’un coût élevé, l’émergence des fintechs et du crowdfunding…), tout en améliorant la protection du consommateur européen.

Le champ d’application de la directive est étendu aux crédits inférieurs à 200 €, à ceux d’une durée de moins de trois mois, à la location avec option d’achat (LOA), aux plateformes de crowdfunding. Le plafond passe de 75 à 100 K€.

L’information précontractuelle est alourdie, avec le risque d’une surinformation des clients, peu enclins à tout lire avant de conclure leur crédit. La fiche d’information précontractuelle européenne normalisée (FIPEN) est maintenue. S’y ajoute l’obligation de délivrer une information générale (overview) standardisée et simplifiée, mais qui duplique certaines informations déjà contenues dans la FIPEN. Ces informations sont remises un jour au moins avant la conclusion du contrat. A défaut, le prêteur doit rappeler au consommateur l’existence du droit de rétraction un jour après la conclusion du contrat.

L’analyse de solvabilité est également alourdie et précisée, avec la nécessité de documenter les décisions. Dans les États membres, les prêteurs non-établissements de crédit doivent désormais être agréés, enregistrés et supervisés par une autorité indépendante. Ils n’ont pas le passeport européen. Les États membres doivent également introduire des plafonds de taux d’intérêt et promouvoir le conseil budgétaire et l’éducation financière.

Il faut pouvoir financer la rénovation énergétique

Pour la France, l’enjeu de la négociation du texte au Parlement et au Conseil européen sera de maintenir la protection du consommateur français, tout en préservant le niveau d’activité nécessaire au financement des projets des ménages et au soutien de la relance économique et de la transition écologique. Le crédit à la consommation doit en effet rester accessible au plus grand nombre, notamment pour financer la rénovation énergétique des logements et l’acquisition de véhicules plus propres. Ces crédits à la consommation « verts » sont d’ailleurs proposés à des niveaux de taux plus avantageux que les prêts classiques.

Pour l’ASF, la révision de la directive doit aussi prendre en compte le contexte économique postérieur à la crise sanitaire. Les règles d’analyse de solvabilité doivent rester souples pour s’adapter aux différents marchés domestiques, ainsi qu’aux différents types et risques de crédit. Le parcours client en ligne, facilité par la transition numérique, doit être assorti d’une information simplifiée et adaptée. L’élargissement du champ d’application aux crédits de faible montant et de courte durée doit s’accompagner d’un régime allégé qui corresponde au développement d’offres répondant aux demandes des consommateurs.

L’enjeu des nouvelles demandes des consommateurs

En effet, plusieurs offres ont émergé récemment sur le marché français.

Les paiements fractionnés, qui permettent de payer en trois ou quatre échéances le montant d’un achat de faible montant. Plébiscités par les consommateurs pour leur simplicité, ils se sont développés avec la flambée de l’e-commerce pendant les confinements. Là aussi, l’ASF défend une approche réglementaire adaptée, proportionnée aux risques, afin de ne pas alourdir les procédures ni tarir les offres.

De même, les achats de seconde main se développent, en liaison avec l’économie circulaire et le recyclage. Les achats d’occasion ouvrent à de nouveaux financements, notamment pour les automobiles. L’usage prime souvent sur la possession, avec des offres locatives telles que LOA ou location longue durée, surtout en période d’accélération des évolutions technologiques.

Dans cet environnement mouvant et incertain, l’ASF plaide pour une réglementation intelligente, souple, proportionnée aux enjeux.

  1. 1 Sources : Banque de France, retraitement ASF.
  2. 2 Source : Observatoire des crédits aux ménages.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº862
Notes :
1 Sources : Banque de France, retraitement ASF.
2 Source : Observatoire des crédits aux ménages.